Anecdote intérieure
Mémoire Gaélique

Création de Sylveen S. Simon – mai 2025 – image réalisée
avec le créateur d'images MidJourney
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Dans les brumes mouvantes, Gania de Cornouaille, fille du roi Aldrien de Bretagne, se tient au sommet d'une colline sacrée, où les vents chantent les échos des âges passés. A chacun de ses pas, sa longue robe blanche caresse la terre de ses aïeux. Sa chevelure rousse semble embrasée par les derniers rayons du soleil couchant. Elle était venue ici pour réfléchir, et le site s'y prêtait parfaitement.
Tandis que la lune se lève, une silhouette lui apparait dans un halo argenté. L'homme est vêtu d'une tunique brodée de symboles anciens et porte un bâton noueux, gravé de runes. Ses yeux sont aussi clairs que le reflet des mers originelles, et son visage porte les marques du savoir et du temps.
"Je suis Cathbad, druide d'Ulster," dit-il. Sa voix résonnait comme un souffle d'éternité. "Je voyage à travers les brumes du temps afin de te délivrer un message."
Gania n'était pas femme à se laisser impressionner. Dans ses veines coulait la force de ses ancêtres, que la foi venait renforcer. "Et quel est ce message ?" lui demanda-t-elle sans ciller.
Les yeux de Cathbad s'assombrirent. Il leva son bâton et traça un cercle dans l'air. Les étoiles semblèrent trembler, puis une vision apparut : une Irlande consumée par la guerre, des druides chassés, des forêts sacrées détruites. Mais, au cœur de ces ténèbres, une lueur persistait… une femme, portant la lumière de cette ancienne sagesse. Gania était subjuguée par ce qu'elle voyait. Incapable de bouger, elle regardait les images de clairvoyance qui se déroulaient devant elle, totalement hypnotisée par la scène.
"Voici ce qui ne doit pas être oublié…"
Après lui avoir fait voir ce sombre futur, Cathbad lui enseigna trois rites sacrés. L'offrande aux Éléments pour commencer : Cathbad ouvrit sa main, révélant une poudre d'écorce de chêne, d'herbes sacrées et de miel noir. Il en dispersa une pincée dans l'air, puis murmura une incantation : "Par la terre qui porte, par l'eau qui guérit, par l'air qui révèle et par le feu qui transforme, reçois l'ancienne sagesse."
Puis elle fit l'apprentissage de la vision du passé au travers de l'eau pure, qui lui révéla toute l'histoire de son peuple depuis la nuit des temps. Cathbad leva son bâton runique, qu'il plongea dans de l'eau de source pure. En le retirant, l'eau scintilla et se transforma en un miroir liquide où des scènes d'âges révolus se dévoilèrent ; Gania vit les grandes assemblées druidiques qui se tenaient sur la colline de Temair, les enseignements et les initiations, puis les rites des solstices. Imbolc, qui marque la fin de l'hiver et le retour progressif de la lumière ; puis Beltane, fête de la fertilité et du renouveau printanier ; Lughnasadh dédiée au dieu Lugh, qui célèbre la première récolte ; et Samhain, marquant le début de la nouvelle année celtique. "Par la terre, par la mer, et par le ciel, reçois l'ancienne sagesse."
Enfin, la Marque du Gardien lui fut apposée, sans même qu'elle en comprenne toute la portée. Cathbad s'approcha et traça sur son front un triskèle à l'aide d'une pâte de cendres et de baies. "Par le monde d'en haut, domaine des dieux et des esprits supérieurs, de la lumière et de l'inspiration divine ; par le monde du milieu, où s'équilibrent les forces spirituelles et matérielles ; et par le monde d'en bas, royaume des esprits et des ancêtres où nous puisons notre sagesse, tu es désormais Gardienne des Savoirs" dit-il avant de murmurer un dernier enchantement.
"Un dernier message doit être confié… Lorsque le monde oubliera nos voix, il faudra qu'une héritière se souvienne..."
D'un geste précis, il toucha le front de Gania et, en une poignée de secondes suspendues dans une mystérieuse temporalité, il lui transmit les rites secrets les plus anciens, les chants oubliés et de puissantes incantations. Mais au lieu d'une révélation immédiate et d'un savoir ancré dans sa mémoire, la connaissance disparut en elle, profondément enfouie au cœur de ses cellules, hors d'atteinte de son esprit conscient.
"Tu ne te souviendras pas," murmura-t-il, "mais un jour, une enfant de ton sang le fera."
Dans un souffle de vent, le mystérieux druide disparut dans un nuage de particules lumineuses, retournant aux échos du passé. N'ayant aucun souvenir de cette scène, Gania quitta Temair, ignorant qu'elle portait désormais en elle les secrets des anciens druides, qui attendraient leur réveil durant des siècles.
1592 ans plus tard... descendante oubliée de Gania, je m'endors doucement. Mes songes sont bercés par un vent léger que j'entends circuler dans les branches des arbres. Des images surgissent soudain : une colline, une pierre runique ; une femme vêtue de blanc aux côtés d'un druide ; des voix qui chuchotent dans une langue ancienne que je ne comprends pas mais que je perçois comme une musique, douce et apaisante ; et une lumière qui émerge de l'ombre. Une silhouette se détache de la lumineuse brumaille et s'avance vers moi. "Le savoir perdu va pouvoir renaître". Sa main touche mon front et une puissante lumière, aveuglante, m'envahit. Quelque chose m'appelle. Quelque chose que je sais sans savoir vraiment de quoi il s'agit. "Je vais te guider". Mon guide ferme les yeux et je vois les pierres debout derrière lui s'illuminer. J'ai l'étrange sensation qu'une ancienne prophétie va se réaliser, libérant une énergie lumineuse dont cette Terre a besoin. Une douce chaleur enveloppe alors mon cœur et je comprends pourquoi j'ai toujours ressenti ce lien puissant avec la nature et les étoiles. Dans un tourbillon de magie qui me fait tourner la tête, je suis à présent comme en apesanteur, dans une chute au ralenti où je me laisse porter. Mon voyage continue au plus profond de ma psyché. Des vagues d'énergie m'accompagnent, tantôt jaunes et bleues, tantôt rouges et dorées.
"Souviens-toi…," me souffle mon étrange guide. "écoute notre histoire et souviens-toi…"
Dans les terres brumeuses de l'ancienne Érin, où les rivières chantaient et les montagnes murmuraient aux vents, un puissant druide du nom de Mogh Ruith veillait sur les secrets du monde. Connaisseur de la magie des étoiles et du feu, il avait traversé les âges, ses yeux ayant vu l'aube des premiers rois et la chute des empires oubliés. Sa roth rámach (roue mystique) lui avait dévoilé un grand danger. Un soir de Samhain, alors que le voile entre les mondes s'amincissait, Mogh Ruith convoqua les plus grands sages du royaume à Tlachtga, la colline de sa fille bien-aimée. Parmi eux se trouvaient des druides et des druidesses des neuf siècles passés et à venir, dont la redoutable Cailleach, gardienne de l'hiver et des montagnes d'Écosse. A ses côtés se trouvait Cathbad, le druide d'Ulster, dont les prophéties guidaient le roi Conchobar Mac Nessa. Tlachtga, fille de Mogh Ruith, était également présente et portait la lumière du renouveau et des anciens rites. La Cailleach, vêtue de brume et de pierre, s'avança lentement. Son bâton traçait des sillons de givre sur la terre, et son souffle portait l'écho des tempêtes à venir. Elle s'arrêta devant Mogh Ruith : "L'hiver approche," murmura la vieille déesse. "Et avec lui, une ombre que ni le feu ni la prophétie ne peuvent repousser." Mogh Ruith fronça les sourcils. Il savait que lorsque la Cailleach parlait, cela signifiait que le cycle du monde était en péril. Une force invisible grandissait, menaçant d'éteindre la magie des druides et de briser les lois du temps. Cathbad, levant les yeux vers le ciel, vit les étoiles vaciller. "Un grand déséquilibre approche en effet," dit-il, "issu des terres où les anciens dormaient." Tlachtga prit une torche et enflamma le premier feu de Samhain. Ses flammes dansèrent comme des esprits, projetant des visions d'un futur incertain. Mogh Ruith, voyant le présage, brandit sa roth rámach et la fit tourner trois fois. Le cycle devait être restauré au plus vite. Une ombre immense surgit alors des bois, un spectre né du très ancien chaos. Il était l'incarnation de la nuit éternelle, celui qui désirait briser le passage des saisons. La Cailleach, furieuse, frappa le sol et fit s'élever une montagne de pierre et de glace entre lui et les druides, tandis que Tlachtga invoquait la lumière du ciel. Cathbad, lisant dans les étoiles, eut une dernière vision : "Si nous tombons aujourd'hui, le cycle périra. Mais si l'un de nous fait don de son essence, le monde renaîtra." Mogh Ruith hocha la tête. Il savait quel était son rôle. Les dessins runiques sur son corps se mirent à scintiller puis à briller comme l'or du soleil. Il fit tourner sa roue une dernière fois et disparut dans une aveuglante lumière, repoussant le spectre au-delà des frontières du temps et de l'espace. Le cycle était sauvé, mais la perte de Mogh Ruith resterait gravée dans la mémoire des druides pour l'éternité. La Cailleach reprit sa route vers le nord, attendant le jour où l'hiver nécessiterait de nouveau son retour. Tlachtga continua de veiller sur la colline qui portait son nom, tandis que Cathbad enseignait aux générations futures l'histoire du sacrifice du grand druide. Ainsi, les druides continuèrent à chanter l'histoire des Gardiens du Cycle, car tant que leur mémoire survivait, le monde ne cesserait jamais de tourner.
"Retrouve le chemin de ce qui ne doit pas être oublié."
Je sentis alors un souffle sur moi et repris le mien, comme sortant d'une apnée inimaginable. Je me réveille, à la fois étourdie et éblouie intérieurement. Un étrange frisson parcourt mon corps. De quoi dois-je me souvenir ? Que dois-je chercher ? Dans quel but ? Pour le partager ? Oui, mais avec qui et comment ? J'allume mon ordinateur et je commence des recherches au hasard sur les druides et les druidesses, saisissant des mots clés. Je lance en parallèle l'outil que je partage avec mon frère pour notre arbre généalogique, afin de me situer vis-à-vis de mes ancêtres paternels sur ces périodes. Depuis un an que j'ai découvert cet outil grâce à mon frère, cela m'aide beaucoup à mieux comprendre ces mémoires transgénérationnelles qui effleurent mes rêves et mes états de semi-conscience depuis ma plus tendre enfance.
Je tombe sur Dareca Verch Calpurnius d'Irlande, princesse albanaise née au IVè siècle, sœur de Saint Patrick qui a joué un rôle crucial dans la christianisation de l'Irlande, et dont l'un des événements les plus marquants fut sa confrontation avec les druides à la colline de Temair, aussi appelée Hill of Tara.
Une colline… des druides… ma lignée… une part de mon immense héritage paternel, si précieux, sur lequel je dois me pencher, se révèle à moi.
Je m'intéresse alors à la colline de Temair, un site sacré majeur de la mythologie et de l'histoire irlandaise. Elle était le siège des Hauts Rois d'Irlande et un centre spirituel où se déroulaient des cérémonies druidiques. Me voilà plongée vers 432 après J.-C. lors de la fête de Beltaine. Le roi Laoghaire et ses druides interdisaient à quiconque d'allumer un feu avant celui du roi. Pourtant, Naomh Pádraig (qui deviendra Saint Patrick d'Irlande), en signe de défi, alluma un feu pascal sur la colline voisine de Slane. Les druides furent alarmés et avertirent le roi que ce feu ne pourrait jamais être éteint tant que Patrick vivrait. Le roi convoqua alors Patrick à Tara, où il fut confronté aux druides dans une série de défis et de débats. Selon la légende, les druides tentèrent d'utiliser leur magie pour prouver leur supériorité, mais Patrick les surpassa par des miracles. Il aurait ensuite expliqué la Sainte Trinité en utilisant un trèfle, un symbole qui devint emblématique en Irlande. Finalement, le roi Laoghaire, bien que ne se convertissant pas lui-même au christianisme, autorisa Patrick à poursuivre son périple de missionnaire à travers l'Irlande.
Cet événement marqua un tournant dans l'histoire religieuse de l'Irlande. En défiant les druides sur leur propre terrain, Patrick affirma la puissance du christianisme face aux anciennes croyances celtiques. Après cela, il continua à prêcher et à baptiser de nombreux Irlandais, contribuant à faire de l'Irlande un bastion du christianisme médiéval.
La sœur de Saint Patrick était Déréréa Dareca Verch Calpurnius d'Irlande. Elle a eu de très nombreux enfants (17 selon les sources) et est considérée comme l'une des figures maternelles du christianisme irlandais, ayant donné naissance à une génération de religieux influents (15 de ses fils deviendront évêques) dont :
- Saint Mel d'Ardagh, premier évêque d'Ardagh, qui aurait été un disciple de Saint Patrick et aurait joué un rôle clé dans l'établissement du christianisme en Irlande.
- Saint Rioc d'Inisboffin, évêque et moine, qui aurait fondé un monastère sur l'île d'Inisboffin.
- Saint Muinis de Forgney, évêque de Forgney, qui aurait contribué à la diffusion des enseignements chrétiens.
- Saint Maelchu, évêque d'Ardagh après Saint Mel.
Déréréa aurait également eu des filles devenues saintes :
- Sainte Eiche de Kilglass, qui aurait fondé une communauté religieuse.
- Sainte Lalloc de Senlis, qui aurait eu une influence en Gaule.
Déréréa est l'arrière-arrière-grand-mère de mon ascendante Gania de Cornouaille, qui a épousé Chlodgar II de Thérouanne dont leur fils Haymon est mon ascendant.
Mes nuits sont souvent vibrantes ; les ombres y sont aussi profondes que la nuit des temps, et la lumière toujours plus éclatante pour les repousser. J'avais donc envie de tirer le fil sacré du savoir druidique pour mieux comprendre mon rêve et le partager. Ainsi commença mon voyage, non seulement à travers l'Ecosse et l'Irlande, mais à travers le temps lui-même. Préparer un avenir meilleur tout en protégeant les anciennes traditions semble évident. Mais si rien n'est dû au hasard, il n'est pas toujours simple de démêler tous les fils que je tire. Et pourquoi maintenant, alors que je suis à l'automne de ma vie ? Je sens parfois une sorte de magie m'habiter et je ne suis pas surprise par ce que je découvre dans mes songes, car je sais que les frontières entre les mondes sont ténues pour celles et ceux qui savent voir et écouter. Cela prend parfois du temps, mais j'arrive à reconstituer de multiples puzzles, et pour moi, chacun d'eux est comme une étoile dans la voie lactée qui me rappelle d'où je viens.
De nombreux enseignements druidiques sont exprimés sous forme de triades. Les druides sont non seulement des prêtres mais aussi des sages, des astronomes et des poètes. La conception des trois cieux dans la cosmologie celtique repose sur une vision tripartite du monde, qui reflète l'équilibre entre les différentes dimensions de l'existence. Cette idée est souvent représentée par le triskèle, un symbole composé de trois spirales entrelacées, et ce depuis la nuit des temps. Le chiffre quatre est lui aussi important dans l'organisation des lieux sacrés et des cycles saisonniers. Trèfle à trois feuilles… trèfle à quatre feuilles… Le trèfle est un symbole universel de chance, de prospérité et de protection dans plusieurs cultures. Au Moyen-Âge, il était considéré comme un talisman contre la magie noire et le mauvais œil. Dans la mythologie celtique, il servait de lien entre le monde des humains et celui des esprits. Il est aussi un symbole d'amour et de fertilité, notamment grâce à ses fleurs blanches qui évoquent les vertus de la foi, de l'espérance et de la charité. Bien sûr, en Irlande, le trèfle est particulièrement célèbre grâce à Saint Patrick, qui l'a utilisé pour expliquer la Trinité chrétienne. Mais ailleurs, il est aussi un porte-bonheur reconnu, notamment sous sa forme à quatre feuilles, qui est rare et donc précieuse. Le trèfle à quatre feuilles était considéré comme une plante sacrée par les druides celtes, notamment en raison de sa rareté. Les druides vivaient en harmonie avec la nature et accordaient une grande importance aux cycles saisonniers et aux lieux sacrés. Chaque feuille du trèfle à quatre feuilles était associée à une vertu : l'espoir, la foi, l'amour et la chance. Cette symbolique pourrait donc être liée aux croyances druidiques sur l'équilibre des éléments et des saisons. Les druides pratiquaient des rituels en fonction des cycles naturels, et certaines plantes étaient utilisées comme talismans ou pour renforcer les connexions avec les forces de la nature. Bien que les sources historiques sur les pratiques druidiques soient limitées, il est plausible que le trèfle ait été intégré à leurs traditions, notamment comme un symbole de protection et de connexion avec les forces naturelles.
C'est une véritable chance pour moi de vivre à une époque où il est relativement facile de trouver une multitude d'informations que j'ai, une nouvelle fois, pris beaucoup de plaisir à vous partager. Si vous avez la capacité de m'en apprendre plus ou si vous souhaitez tout simplement échanger avec moi sur la mythologie gaélique, n'hésitez-pas à me contacter.
Merci de m'avoir lue et à très bientôt pour d'autres anecdotes intérieures.
Sylveen S. Simon
Les écrits de Sylveen - Anecdote intérieure : Mémoire Gaélique - Le 31 mai 2025