Anecdote intérieure

La dernière caresse d'Ishtar

Création de Sylveen S. Simon – 08/07/2025 –
image réalisée avec Microsoft Copilot

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Il était une fois, bien avant que les hommes ne s'accordent sur la mesure du temps, une déesse aux mille visages. Cet éclat vénusien fendit les cieux pour se révéler aux premiers peuples de la Terre, émerveillés par sa Lumière. Des voiles éblouissants ondulaient tout autour de son corps, comme des pétales dans le vent, révélant une silhouette éthérée. Ishtar, la déesse aux yeux de lune, était descendue parmi les mortels. La Terre n'était encore qu'un murmure de poussière. Les dunes épousaient les vents dans une éternelle caresse. Ses pieds nus ne touchaient pas la terre ; ils l'effleuraient comme le vent fait vibrer les cordes d'un luth oublié. Là où elle passait, le sable se soulevait en spirales dorées, comme si le sol lui-même voulait prolonger son passage. Ses voiles semblaient suspendus dans le temps, comme des danseurs fidèles à la chorégraphie de l'infini. Elle ne marchait pas… elle glissait. Chacun de ses pas survolait le sol comme un murmure d'étoiles et, sur son passage, le désert fleurissait de roses dorées. Les lions eux-mêmes s'inclinaient, les rivières se pliaient à son chant, et le cœur des hommes et des femmes s'embrasait, pris par un feu qu'aucune raison ne pouvait dompter.

Ishtar était à la fois l'éclat du désir et la fureur de la guerre, l'incandescence qui embrase les cœurs, et l'acier qui divise les destinées. Elle pouvait inspirer une caresse ou déclencher des batailles. Aux hommes, elle offrait la passion incandescente et la soif de conquête ; aux femmes, la liberté, l'audace, et le feu intérieur qui refuse le silence. Elle traversait les royaumes, éveillant les rois et les poètes, égarant les sages dans la forêt des pulsions, peignant sur les âmes l'étrange couleur de l'obsession. Elle était l'étincelle au creux du ventre, l'appel du combat au bord de l'aube. Elle offrit aux humains les me, ces forces sacrées, piliers de la civilisation humaine, subtilisés au dieu Enki dans un jeu de charme et de ruse. La sagesse, le savoir, la musique, la sexualité, le courage, le jugement, la victoire, la royauté, l'art, la joie, la douleur… Ishtar les prit comme on vole un secret à l'univers, pour les offrir aux hommes en quête de grandeur. Ces me étaient à la fois des concepts et des artefacts, transmis aux humains pour bâtir des cités, des lois et des arts.

Mais comme toute lumière qui brille trop, son éclat troubla les équilibres divins. Lorsqu'elle descendit aux Enfers, à la recherche de son amant Dumuzi, l'ombre engloutit sa splendeur. À chaque porte de l'au-delà, elle abandonna un vêtement, un pouvoir, une part d'elle-même. Nue et vulnérable, elle fut clouée dans le monde des morts… jusqu'à ce que les cieux eux-mêmes pleurent son absence. La Terre se flétrit, les passions s'éteignirent… et elle fut enfin libérée, ramenée par les lamentations du monde.

Puis vint Gilgamesh, le roi au cœur de bronze. Ishtar l'aima d'un amour impétueux, fascinée par son orgueil et sa quête d'éternité. Mais il la rejeta, craignant ses flammes. Froissée, elle déchaîna le taureau céleste contre lui, semant le chaos dans une explosion de son immense colère.

Les siècles passèrent. Puis le monde, peu à peu, oublia ces temps anciens. Les veilleurs du soir cessèrent de scruter les étoiles pour se tourner vers l'avenir. Le cœur des hommes se ferma aux merveilles. Ishtar vit les hommes se désintéresser de celle qui leur avait tant apporté. Les chants à sa gloire devinrent les échos des vents, puis les temples élevés en son honneur s'effacèrent de la surface de la Terre. Alors, dans une dernière danse, elle s'enveloppa de ses voiles de lumière et s'éleva au-dessus de Babylone. Derrière elle, elle laissa une traînée d'étoiles, comme une galaxie dessinée par le souvenir d'un rêve.

Depuis cette nuit-là, dans les cieux de velours, une constellation semble onduler comme une danseuse suspendue. Ishtar, éternelle, observe ceux qui osent encore aimer, créer, et se battre.

Dans le doux silence de mon sommeil, là où le souffle des mondes anciens caresse encore les voiles du présent, je rêve d'elle. Merveilleuse Ishtar… Elle danse, suspendue entre les constellations, drapée d'ombres et de lumière. Autour d'elle tournoient des talismans célestes, les me, éclats sacrés arrachés au tissu de l'univers. Ils brillent comme des fragments d'étoiles oubliées, semblables aux notes cristallines d'une musique cosmique. Chacune pulse à son propre rythme pour une orchestration unique : la sagesse bat lentement la mesure, comme un cœur ancestral ; le désir vibre au rythme des vents solaires ; la guerre scintille comme une épée affutée par des comètes. Et Ishtar, telle une prêtresse du ciel, les fait tournoyer autour d'elle, harmonisant les soubresauts des mondes.

Je ne sais si je dormais encore ou si j'étais devenue témoin d'une mémoire que le temps avait dissimulée… mais je me souviens de son regard, vaste et profond comme le cosmos, et de ces tablettes étoilées qui me murmuraient que la civilisation n'est qu'un rêve partagé, un rêve sur lequel elle veille, éternellement, depuis l'origine des mondes. J'entendis alors une invocation :

Ô Ishtar, danseuse des hautes sphères, toi dont le souffle fit frémir la lumière, reviens au chant des âmes qui t'appellent. Nous sommes poussière et tu es éternelle. Dans le sable, nos pas se sont effacés, mais ton empreinte traverse l'espace, et tes voiles suspendus au firmament continuent à envoûter nos cœurs tremblants. Reçois le doux murmure de ma voix mêlée à celles des temples à jamais oubliés, à celles des étoiles aux secrets tenus. Que les me scintillent dans ton sillage, Talismans sacrés d'un monde en partage, et que ta mémoire, Ishtar la radieuse, illumine à jamais la nuit silencieuse. Nous te chantons, éclat du premier souffle, Toi qui fus autant guerre, désir, et beauté. Et que dans le vent des dunes endormies, notre appel se joigne à l'écho de ta nuit.

Le sommeil me porta vers des royaumes que nulle cartographie ne pourrait décrire. Je marchais sur un sable translucide et, devant moi, Ishtar apparaissait, déployée comme une aube nouvelle, ses voiles frémissant d'éclats étoilés. Elle ne parlait point. Son regard souriait et valait mille mots. Elle me tendit quelque chose, délicatement posé dans ses paumes lumineuses : une relique. Petite, délicate, presque vibrante. C'était une rosette dorée, incrustée d'une pierre scintillante semblable à une étoile liquide miniature. Tout autour, des filigranes formaient les symboles des me, gravés si finement que seule l'âme pouvait les lire.

« Que ce talisman te rappelle ce qui sommeille en toi », m'avait-elle murmuré sans aucun mot prononcé. Puis elle s'effaça, comme une brise céleste qui regagne les cieux.

Au matin, le rêve s'accrochait encore à mes pensées et mes yeux embrumés me firent entrevoir que quelque chose m'attendait. Posée sur ma commode, devant le portrait de moi enfant, en tenue de danseuse classique, comme flottant dans un mouvement figé, la relique était là. Sa présence était douce, vibratoire. C'était comme si le monde antique s'était penché pour m'embrasser. Je compris alors que le chant des étoiles ne s'était jamais tu ; il avait simplement attendu que je sois prête à l'entendre.

Je vous souhaite à nouveau de beaux et doux rêves en d'infinies possibilités…

Sylveen S. Simon – 08 juillet 2025
Anecdote intérieure pour les écrits de Sylveen